Ce que le yoga m'a appris
"N'empêche ca t'a apporté quoi le yoga dans ta vie ? Tu te sens plus réveillée ? Plus en forme ? Plus légère ? J'en ai fait quelques séances, j'ai bien aimé mais je devrais peut-être en refaire à la maison."
Un ami à moi m’a posé cette question sur Twitter dernièrement. J’ai tenté de lui répondre en 280 caractères (non, à vrai dire je n’ai même pas essayé: ma réponse a pris 5 tweets). Je me suis dit qu’un article serait certainement un format plus approprié.
Comment en suis-je arrivée là?
D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours pratiqué une activité physique. Je me rappelle qu’au collège, je faisais parti de tous les clubs: badminton, volley, athlétisme… Puis à 15 ans, je suis lamentablement tombée d’un double poney nommé Igor, et me suis sectionné le ligament croisé antérieur droit. Ce fut la fin de ma carrière sportive, ou du moins le début d'une pause d’environ 10 ans. Je ne me suis jamais faite opérer du genou - à 15 ans je n’avais pas encore terminée ma croissance et il fallait attendre. Puis à 18 ans j’ai quitté le domicile familial pour mes études, et ensuite tout s’est enchaîné. À Paris, je fréquentais plus les bars que les cours de Badminton. Il me semblait donc peu nécessaire de passer sur la table d’opération, sachant ce que ça impliquerait en termes de convalescence et ré-éducation.
Puis à 26 ans, pour tout un tas de raisons j’ai compris qu’il me fallait trouver un équilibre entre ma vie sociale et mon bien-être personnel. J’ai une personnalité addictive et excessive et je ne connais pas la demi mesure. J’aime aussi beaucoup faire la fête. Vous comprendrez facilement que la première moitié de mes twenties fut très agitée et manqua cruellement d’équilibre! Il était temps que je m’écoute, et que j’apprenne à dire non et à dire stop. Pour prendre soin de moi et me faire passer en premier.
C’est à ce moment là que je me suis mise à la course à pieds. Au début j’ai eu beaucoup, BEAUCOUP de mal. Quinze minutes et j’étais rouge écrevisse, crachant mes poumons. Mais je n’ai pas abandonné, et en quelques semaines mes 15 minutes se sont transformées en 18, puis 20, puis 30, jusqu’à 45 minutes. Il n’y a rien d’exceptionnel là dedans, mais me connaissant et connaissant mon aversion quasi épidermique pour la course d’endurance, courir 30 à 45 minutes 2 fois par semaines c’était déjà le bout du monde.
A 28 ans j’ai quitté Paris pour emménager à Londres. Là bas j’ai du reprendre mes marques, remettre en place ma routine sportive. Une collègue m’a fait découvrir Frame - un concept de salle de sport qui n’offre que des classes, mais dont le leitmotiv est “if you’ve been bad we’ll make you feel great”. Des classes variées mais intenses, qui favorisent le fun et la bonne humeur plutôt que la technique.
Oui mais, un ligament sectionné, ça ne repousse pas tout seul! Au bout de 6 mois intensifs à fréquenter Frame tous les jours, mon corps a commencé à me faire comprendre qu’une fois de plus je ne l’écoutais pas assez. Je ne suivais que des cours de cardio/fitness où je sautais partout pendant une heure sans me ménager. À plusieurs reprises je me suis retrouvée dans l’incapacité de marcher pendant plusieurs jours.
À cette époque j’avais une très mauvaise opinion du yoga. Vous m’auriez entendu dire “Le yoga? C’est pour les mous. Un truc de hippies qui pensent que gigoter les bras en se tordant dans tous les sens pendant une heure aurait de quelconques vertues." Mais poussée par la douleur, j’ai ravalé mon égo et je me suis mêlée à la foule de yogis. C’est certainement là la première leçon que le yoga m’a enseignée.
Ma première rencontre avec le yoga
J’ai détesté mon premier cours de yoga. Vraiment. J’ai eu l’impression d’avoir perdu mon temps. Je me suis ennuyée, et je n’ai pas du tout compris où le prof voulait en venir en nous faisant faire ces noeuds de bras et de jambes. Certaines poses était tellement ‘simple’ que je ne comprenais pas leur but. Après tout, c’est de réussir la pose qu’il s’agit, c’est ça? Si j’y arrive du premier coup alors j’ai gagné? Quel est l’intérêt?
D’autres poses - toutes les poses qui nécessitaient de garder les jambes tendues en somme - m’étaient parfaitement inaccessibles. Ce qui avait le don de m’énerver. Je me rappelle encore penser que j’étais physiquement incapable de souplesse jambes tendues. Ma mère non plus n’y arrive pas. Je pensais donc que c’était en quelque sorte génétique, que j’étais faite comme ça, et que jamais je me pourrai toucher mes pieds en gardant les jambes tendues.
J’ai quitté mon premier cours en jurant que plus jamais je ne perdrai mon temps à faire du yoga. Mais mon genou ne semblait pas d’accord avec ma décision. J’y suis retournée quelques semaines plus tard, mais cette fois j’ai choisi un cours qualifié de dynamique. Un cours "non accessible aux débutants, nécessitant plusieurs mois de pratique”. Et là j’ai compris, et j’ai vu.
J’ai compris que toutes ces poses incroyables sont à la portée de tous pour peu qu’on pratique sérieusement et assidûment. J’ai compris qu’il faut de la patience et écouter son corps. Car en l’écoutant, on le comprend, et en le comprenant on peut travailler correctement. C’est une succession de contrôle et de lâché prise. Contrôler le mouvement et s’abandonner dans la posture.
La difficulté de la discipline nécessite de la concentration. On ne peut pas laisser son esprit vagabonder, et on doit faire le vide dans sa tête, garder ses pensées statiques pour pouvoir garder son corps immobile. Si bien qu’à la fin du cours, non seulement on se sent fatigué physiquement, mais on se sent également relaxé, car on a laissé tous nos tracas à la porte du studio pour pouvoir pratiquer.
Yoga sur le tapis: la pratique physique
Mon métier consiste à décomposer des systèmes complexes en tâches simples. J’ai appliqué la même méthodologie à ma pratique du yoga. Lors de mon premier cours, il y avait cette fille magnifique capable de réaliser quasiment toutes les postures avec une grâce incroyable. À la fin du cours je lui ai demandé depuis quand elle pratiquait et elle m’a répondu 2 ans. Ça m’a donné une idée du champs des possible (même si avec du recul, je me suis rendue compte que ça n'a aucune importance).
Une des poses qu’elle savait faire est un équilibre sur les avant-bras - ou pincha mayurasana. Evidemment, dès que j’ai découvert l’existence de cette posture c’est devenu mon nouveau challenge. J’ai tenté vainement de bruler les étapes en me jetant littéralement dans la posture… ce qui m’a valu de bien belles gamelles!
Quand j’en ai eu marre de me ramasser, j’ai décidé d’observer et de décortiquer la posture. Ma première erreur était de me jeter dedans. Les personnes que j’observais semblaient ne pas avoir besoin de force pour entrer dans la posture. Tout était simple, et contrôlé. En observant j’ai compris que pour ne pas avoir besoin de force pour se jeter dedans, il fallait avoir assez de souplesse pour aligner son corps dans la bonne position. Je n’avais pas cette souplesse. Coudes et épaules étaient alignés. Mais tenir la position était vraiment difficile - je manquais de force dans les épaules. Quant à mes hanches, elles n’étaient pas du tout alignée au dessus de mes épaules car mes ischio-jambiers ne me permettaient pas de les pousser là haut.
C'est donc ce que j’ai travaillé sans relâche pendant 2 ans.
Ma force - dans les épaules. En répétant des chaturangas, en tenant ma dolphin pose.
Ma souplesse - au niveau des ischio-jambiers, en travaillant mes forward folds.
Ma connaissance de mon propre corps - pour comprendre comment débloquer des positions.
Comment est-ce que ça se traduit dans la vie de tous les jours?
Plus de force - notamment dans les bras. Un corps plus équilibré - le yoga est une pratique complète. Plus d’endurance également. Une meilleure posture et donc moins mal au dos (j’ai la chance de n’avoir jamais vraiment eu mal au dos. J’avais tendance à ressentir une douleur d’un seul côté dans le bas du dos lorsque je restais immobile debout pendant plusieurs heures. Ça a disparu). Plus de souplesse. J’ai toujours pensé qu’à moins d’être gymnaste, ça ne servait à rien d’être souple. Pouvoir s’étirer, pouvoir créer de l’espace dans son propre corps est certainement une des sensations les plus satisfaisantes et apaisantes qui soit.
La combinaison de tout ça fait que j’ai une meilleure compréhension de mon corps, une meilleure connaissance de ce qu’il est capable de faire. Et connaître son corps permet de savoir quand on peut lui faire confiance. Dans certains sports plus extrêmes - comme le ski par exemple - savoir que son corps est capable de se rattraper en cas de chute ou de se plier sans se blesser change automatiquement l’aisance avec laquelle on pratique le sport. Sans parler de la forme physique globale qui est systématiquement améliorée de part la pratique régulière d’une activité physique.
Yoga hors du tapis: la pratique mentale
J’en ai parlé dans le paragraphe précédent - la première chose que le yoga m’ait enseignée, c’est de laisser mon ego à la porte. Moi qui suis compétitive et perfectionniste, j’avais énormément à apprendre d’une pratique individuelle, où on ne se compare pas, où il n’y a pas de compétition, et où la pratique et l’état d’esprit sont plus importants que le résultat.
La difficulté de la pratique nécessite néanmoins de faire le vide dans sa tête afin de pouvoir contrôler ses mouvements. Impossible de laisser son esprit vagabonder et espérer pouvoir contrôler ses mouvements. Et forcément, lorsqu’on est concentré et qu’aucune pensée parasite ne vient à notre esprit pendant 1h, cela a un impact positif sur notre niveau de stress.
La clef de la pratique est la respiration. Chaque inspiration permet de s’étirer et de faire de l’espace. Chaque expiration permet d’aller plus loin dans la posture. Lorsqu’on comprend l’importance et le rôle de la respiration, on est capable d’utiliser cet outil dans n’importe quelle situation de la vie de tous les jours qui nécessite qu’on reste calme, concentré, et en contrôle.
C'est aussi une pratique bienveillante; je disais plus haut que le yoga est une pratique individuelle où on ne se compare pas. Le yoga n’est pas un sport. Certes on nous incite à repousser ce qu’on pense être les limites de notre corps, mais on nous encourage aussi à l’écouter. Nous ne sommes pas des machines, nos émotions, la fatigue, tout un tas de choses influent sur notre corps et il est tout à fait normal de ne pas pouvoir réaliser les mêmes choses de façon automatique, tous les jours.
On apprend à remercier son corps pour ce qu'il nous permet de faire, plutôt que de le detester car il ne ressemble pas à ce qu'on souhaiterait. Une fois de plus, on nous invite à laisser notre ego de côté. L’idée étant d’appliquer ce principe à chaque situation. La plupart des situations frustrantes sont engendrées par notre ego, qui voudrait que quelque chose se passe d’une certaine façon, qui souhaiterait une certaine réaction de la part des autres. Le yoga nous apprend a se débarrasser de ces attentes - de lâcher prise - car il nous est impossible de les contrôler.
Comment est-ce que ça se traduit dans la vie de tous les jours?
J’y travaille toujours!
La pratique hors du tapis est certainement la plus difficile. Lâcher prise, en particulier quand on n’a aucun contrôle sur une situation est certainement l’exercice le plus compliqué pour moi. Or l’anxiété, la peur, nous empêche généralement d’avancer. Avoir des attentes nous empêche d’apprécier l’instant présent, et nous éloigne du sentiment de gratitude qui pourtant est certainement un des plus beaux sentiments qui soient.
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